Dans un entretien sur une grande station d’information[1], le Professeur Christian Perronne, en décembre dernier, a mis en cause l’intérêt du vaccin contre la Covid-19. Il cite pour cela un chiffre de mortalité pour la maladie de 0.05%. Ce chiffre nous semble suspect. Nous cherchons à comprendre à quoi il peut bien correspondre ? La réponse n’est pas évidente, et ne pourrait s’appliquer qu’aux populations les plus jeunes. Cela nous conduit à nous interroger sur ce qui peut pousser d’éminents spécialistes à prendre des positions radicales. Même à aller à l’encontre de celles exprimées par la majorité de leurs pairs.
Le vaccin est à ce stade considéré comme la seule arme efficace dont nous disposons pour sortir de la triple crise sanitaire, économique et sociale que traverse un très grand nombre de pays. En tous points de la planète, dirigeants et autorités sanitaires militent pour une vaccination de masse, qui seule, semble en mesure de venir à bout de la pandémie.
Quelques éminents scientifiques, sortant de leur anonymat, appellent donc à boycotter la vaccination. Certains, souvent les mêmes, recommandent des traitements alternatifs et fortement controversés. Le public est perdu et hésite sur l’attitude à adopter. En l’absence de messages clairs sur un sujet aussi grave, il n’est pas étonnant que nombreux ne savent pas à quel saint ils doivent se vouer. Peut-on dès lors se montrer surpris si, il y a encore peu, un Français sur deux se montrait hésitant, voire réticent à la vaccination ? Nécessité faisant loi, face à la virulence des variants, c’est une pénurie de doses que doit gérer les gouvernements en régulant l’accès à la solution « miracle » ou du moins développée en un temps record.
Quelle est la position du Professeur Perronne ?
Le parcours du Professeur Christian Perronne est impressionnant. Jusqu’en décembre dernier (au moment de son éviction par le directeur général de l’AP-HP), il était chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de Garches. Il a occupé d’importantes responsabilités au sein du Haut Conseil de la Santé Publique. Il a aussi conseillé l’Organisation Mondiale de la Santé.
Le Professeur Perronne est avant tout un spécialiste de renommée internationale, reconnu pour ses travaux sur la maladie de Lyme. Pour cette maladie, il se distingue, déjà, par ses prises de position non conventionnelles (théorie d’un complot de l’armée américaine à partir de travaux d’un chercheur nazi. Ces positions sont critiquées par Didier Raoult lui-même !). Il recourt à un traitement contesté pour le traitement de cette maladie.
Raoult – Perronne, même combat
Quelle mouche a piqué des scientifiques aussi éminents que les professeurs Didier Raoult et Christian Perronne (plutôt une tique pour ce dernier en référence à la maladie de Lyme) ?
Comme le Professeur Raoult, le Professeur Perronne se vante d’un taux spectaculaire de guérison. La majorité de ses confrères se montre très sceptique sur ces résultats. Il rejoint le Professeur Raoult sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour le traitement de la Covid-19. Il est l’auteur de « Y a-t-il une erreur qu’ILS n’ont pas commise [2]? » publié au printemps 2020 qui est une critique virulente sur la gestion de la crise par l’Etat. Comme pour le Professeur Raoult, le Conseil national de l’Ordre des médecins a porté plainte contre le Professeur Perronne, du fait de ses prises de position controversées sur l’épidémie de coronavirus.
Le sous-titre du livre de Christian Péronne est édifiant : « Covid-19 l’union sacrée de l’incompétence et de l’arrogance ». Il faut cependant se méfier du syndrome de l’arroseur arrosé.
Quel est donc le moteur qui conduit ces deux grands scientifiques à prendre des positions aussi tranchées ? Tous deux ont mis en cause, d’une manière extrêmement virulente, le Gouvernement dans sa gestion de la crise sanitaire. L’un et l’autre sont persuadés d’avoir développé un protocole sanitaire efficace dans leurs domaines respectifs. Ils sont très largement critiqués par la communauté médicale en l’absence de publications scientifiques probantes. Des manquements graves à l’éthique leur sont reprochés.
Rejetés par leurs pairs
Leurs propos iconoclastes, leurs tons polémiques, leurs mises en garde virulentes, leurs alertes qualifiées par certains de « fake news » ou même de « complotistes » font qu’ils sont adulés par certains, mais voués aux gémonies par de nombreux autres. Contestés par leurs pairs, ils sont visés par des plaintes de l’Ordre des médecins (pour avoir enfreint le code de déontologie médicale ; notamment le recours à un remède ou procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé).
Ego surdimensionné, attrait des médias, génie ou charlatanisme, nombreux sont les qualificatifs qui entourent ces scientifiques hors normes.
Il faut regretter que face à une crise sanitaire d’une telle ampleur, des positions troublantes soient portées par des leaders d’opinion. Leurs propos peuvent avoir de très lourdes conséquences.
C’est ainsi que la gravité de la crise sanitaire est elle-même niée par le Professeur Perronne. Lors de son interview, il a indiqué un taux de mortalité de la maladie de 0.05%. A peine un sur deux mille. Conduisant nécessairement à se demander si les dirigeants du monde entier sont bien sains d’esprit. Des voix se font entendre évoquant un « tout ça, pour ça » devant l’ampleur de la crise économique et sociale
« Le vaccin est inutile et risqué »[3]
A quoi fait donc référence ce taux de 0.05% ? Bien difficile de le savoir. S’agit-il des 67 millions d’habitants de notre pays ? Si tel était le cas, cela se traduirait par moins de 35 000 victimes, alors que nous approchons des 80 000. Faut-il appliquer ce pourcentage aux cinquante-cinq millions de personnes de plus de 15 ans (les plus jeunes ne semblent pas à risque) ? Cela se traduirait par un nombre encore moindre de victimes (27 500). Ce taux ne fait certainement pas référence au nombre de personnes ayant contracté le virus. Même si 15% de la population des plus de 15 ans de notre pays avait déjà été contaminée, ce chiffre de 0.05% ne se traduirait que par moins de 5 000 victimes.
Difficile donc de trouver à quoi correspond le pourcentage évoqué par le Professeur Perronne. A date, le taux de mortalité attribué au virus pour la France est légèrement supérieur à 100 pour 100 000 habitants (0.11%).[4]
Abordons le problème autrement. Partons des 80 000 décès attribués au virus (ce que nous considérons comme exagéré[5]). Appliquons le taux de 0.05% à ce nombre de décès. Cela indiquerait que 16 millions (80 000 / 0.05%) de nos concitoyens auraient été contaminés. 30% des plus de quinze ans, cela semble excessif. Nous ne parvenons pas à relier ce chiffre à des données claires.
Une vision floue
C’est pourtant au nom de ce taux de mortalité très bas que le professeur Perronne s’élève contre l’utilisation du vaccin. Une voix qui porte la parole des « antivax ».
« Or quel est l’intérêt d’un vaccin généralisé pour une maladie dont la mortalité est proche de 0,05% ? Aucun ».[6] Difficile de comprendre, ou du moins, de valider une telle position.
Il est vrai que dans sa lettre du 12 décembre 2020 (voir note 3), le Professeur Perronne indiquait « Les souches de virus qui circulent actuellement ont perdu de leur virulence ». Visionnaire ! La mutation anglaise était déjà très présente au Royaume-Uni en novembre-décembre. C’est justement la contagiosité liée aux mutations qui fait craindre aux autorités sanitaires de notre pays de se trouver confrontées à une forte déferlante. Aussi massive que dans plusieurs pays (Royaume-Uni, Portugal, Irlande, EAU, USA, Mexique, Brésil).
Pour le Professeur Perronne[7] :
- L’épidémie régresse.
- On a les moyens de se faire soigner, avec l’hydroxychloroquine et l’azithromycine. Pas besoin de vaccins.
- On a les moyens de protéger les personnes fragiles, on n’a pas besoin de vaccin. D’autant que la mortalité est de 0.05%.
Cela se confirme, un véritable visionnaire !
Le vaccin, seule planche de salut
Effectivement, le pourcentage évoqué par le professeur Perronne, appliqué au total de la population, donnerait un nombre très faible de décès liés au coronavirus (moins de 30 000 décès pour la population française âgée de 15 ans et plus). La réalité est bien entendu toute différente en ce qui concerne les personnes les plus âgées et les plus fragiles[8].
Près de 90% des plus de 80 000 décès se trouvent chez les personnes âgées de plus de 65 ans. « D’après les données de certification électronique des décès, l’âge moyen des victimes de la Covid est de 82 ans et la moitié ont plus de 85 ans[9] ».
Ce sont ces raisons qui poussent certains à recommander des mesures de protection sanitaire différenciées en fonction de la catégorie de risques (âge et santé), ce qui représente une approche difficilement envisageable dans notre pays.[10]
Nous n’entrerons pas dans le débat sur le coût, justifié ou non, des mesures prises par année de vie épargnée. Qu’elles soient considérées comme indiscutables d’un point de vue éthique ou discutables d’un point de vue économique, le vaccin permet de clore le débat.
Refusant une situation d’engorgement total des services hospitaliers et conduisant à la sélection des malades, la plupart des pays ont fait le choix de protéger leurs populations au prix de mesures très contraignantes. L’état d’urgence sanitaire se traduit par une très grande restriction des libertés individuelles, au nom de l’intérêt général.
Immunité Collective
Est-il possible de nier l’évidence, c’est-à-dire la gravité de la maladie chez les sujets les plus âgés ou les plus fragilisés[11] ? Si avec le vaccin, l’on réduit à très peu le risque de développer une forme grave de la maladie, la situation change du tout au tout. Cela se traduira par une très importante baisse du nombre d’hospitalisations et du nombre de décès (ce qui se vérifie déjà en Israël).
Si de plus, le vaccin est en mesure de réduire la transmission du virus (ce qui reste encore à valider), le choix doit-il être laissé à l’individu ? Aboutir à une immunité collective ne relève-t-il pas de l’intérêt général ? Les pays qui sortiront les premiers de la crise sanitaire à travers la vaccination touchant 60 ou 70% de leurs populations disposeront d’un avantage économique majeur sur les autres.
Une dangerosité à géométrie variable
Officiellement, l’on recense plus de 3 millions de cas[12]. Si l’on multiplie ce chiffre par deux ou trois pour s’approcher d’un nombre plus réaliste de contaminés. Donc nous aurions de 7 à 10 millions de nos compatriotes qui auraient contracté le virus. Pas suffisant pour atteindre l’immunité collective. Pour cela, il faudrait qu’un minimum de 60% (et plutôt 70%) de nos concitoyens contractent le virus. C’est aussi le pourcentage visé pour la vaccination au sein de la population.
In fine, les spécialistes pensent que le taux de mortalité pourrait s’établir à 0.6%, bien supérieur au 0.05% du professeur Perronne. Avec un tel taux, le total de victimes potentielles pour notre pays serait d’environ 250 000, en intégrant l’immunité collective (70%) et en excluant la population des moins de quinze ans (55 millions).
Un grand nombre des victimes étant très âgées, une partie d’entre elles serait décédée sur le court terme, en l’absence même du virus[13]. Les gestes barrières, par ailleurs, rendent la grippe saisonnière moins forte, épargnant ainsi plusieurs milliers de personnes âgées[14]. Cela a aussi permis de diminuer les infections potentiellement sévères touchant les enfants de moins de trois mois. Difficile donc de bien mesurer la surmortalité strictement liée à la Covid-19. Sans les vaccins et les mesures sanitaires, la surmortalité aurait pu bondir d’un quart (de l’ordre de 600 000 décès annuels en France).
Réticences (initiales) à la vaccination
Intéressons-nous à la prise de position contre l’ARN (Acide RiboNucléique) messager exprimée par le professeur Perronne. Ses déclarations ont eu un impact sur le sentiment de nos concitoyens. Ils peuvent penser que son développement a été trop rapide, donc sujet à caution. Jusqu’au début de la campagne de vaccination, une majorité se montrait sceptique, voire réticente à la vaccination. Avec l’augmentation du nombre de personnes traitées, mais aussi avec la progression de la pandémie (et certainement inquiet de la pénurie de doses et de l’allongement des délais), le camp des « provaccins » l’emporte largement (58%, soit +10% en un mois entre la mi-décembre et la mi-janvier).
Les positions de Christian Perronne ont alimenté les théories du complot, encouragé les « fake news ». Les affirmations de Didier Raoult ont pu générer de faux espoirs et ralentir le recours à d’autres soins. Les propos du Professeur Perronne peuvent encore avoir un fort impact au sein de la population. Les théories les plus extravagantes, souvent ridicules, circulent sur les réseaux sociaux. Certaines allant même déclarer que le vaccin est vecteur de puces informatiques et activées par le réseau 5G, pour transmettre des données personnelles aux gouvernements !
Pour Christian Perronne « cette vaccination de masse est inutile. De plus, les risques de la vaccination peuvent être plus importants que les bénéfices ».[15] Pour lui, l’ARN messager n’est pas un vaccin, au sens traditionnel du terme. Il est d’une autre nature. Ce n’est pas un vaccin « mais un produit de thérapie génique ». Il indique qu’il est donc urgent d’attendre.
Les vaccins traditionnels
Avant l’arrivée des vaccins de nouvelle génération (ARN messager et ADN recombinant, voir note 18), deux grandes catégories de vaccins sont utilisées[16] :
- Les vaccins vivants atténués. Ils sont constitués de germes (virus, bactérie) vivants. Ces germes ont été modifiés afin qu’ils perdent leur pouvoir infectieux. Tout en gardant leur capacité à induire une protection chez le sujet vacciné.
- Les vaccins inactivés. Ils ne contiennent pas d’agents infectieux vivants. Ils contiennent selon les cas :
- Un fragment de l’agent infectieux, comme sa paroi ou sa toxine (hépatite B ou tétanos).
- La totalité de l’agent infectieux, mais qui est inactivé (coqueluche).
Pour les vaccins traditionnels, des germes (selon les cas vivants, mais atténués, un fragment ou la totalité de l’agent infectieux) sont injectés dans le corps. Ceci pour que le système immunitaire, en réaction à la menace représentée par le pathogène pour l’organisme, se mette à fabriquer des anticorps. Ils seront donc immédiatement mobilisables en cas d’infection virale.
ARN messager
Le principe de l’ARN messager est très différent. Ce sont les cellules qui vont être codées génétiquement pour fabriquer l’antigène pour son utilisation par le système immunitaire. L’ARN correspond à la copie dans le noyau de la cellule du code ADN de la protéine que l’on demande au corps de synthétiser. Il véhicule donc le message codé, d’où son nom. L’ARN messager « renferme le code génétique de fabrication de l’antigène viral qui sera reconnu par le système immunitaire, lequel protégera l’individu vacciné lors d’un second contact avec l’agent infectieux »[17].
Une excellente explication du principe de ce vaccin est donnée par Alain Mérieux, président de l’Institut Mérieux[18]. « Schématiquement, avec un vaccin ARN messager, on injecte un code génétique dans le corps, qui va pousser les cellules à produire elles-mêmes une des protéines du virus de la Covid pour préparer en retour une réponse immunitaire et préparer le corps à se défendre pour le jour où il sera vraiment exposé à la maladie. Plus besoin d’utiliser un virus atténué ou inactivé comme dans les précédentes générations de vaccins ».
Une recherche sur vingt ans
Bien qu’il s’agisse d’un vaccin d’un nouveau type, les premières publications en la matière datent de plus de vingt ans, avec de nombreuses avancées au cours de ces dix dernières années. Il s’agit donc d’un vaccin qui s’appuie sur une base scientifique solide. Rassurant pour certains, inquiétant pour d’autres.
Parmi les quelques deux cents candidats vaccins en développement dans le monde, moins d’une vingtaine arrivera à maturité. Comme cela est le cas avec Sanofi et Pasteur, les échecs sont nombreux. L’approche ARN messager[19] s’est donc montrée la plus efficace et la plus rapide pour arriver sur le marché. Dès lors, et au nom de l’intérêt sanitaire général, pourquoi ne pas rendre obligatoire la production des vaccins aboutis par les autres laboratoires, moyennant paiement de royalties aux détenteurs des brevets[20] ?
Risque de transformation génétique
L’une des principales objections du professeur Perronne est liée au risque de modification génétique.
« Il y a aussi la possibilité, par la modification des acides nucléiques de nos ovules ou spermatozoïdes, de transmettre ces modifications génétiques à nos enfants. Les personnes qui font la promotion de ces thérapies géniques, faussement appelées « vaccins » sont des apprentis sorciers et prennent les Français et plus généralement les citoyens du monde, pour des cobayes. Nous ne voulons pas devenir, comme les tomates ou le maïs transgénique des OGM (organismes génétiquement modifiés) »[21].
L’ARN messager est certes une grande première.
« C’est donc une stratégie vaccinale, jamais employée auparavant en médecine humaine, qui sera donc utilisée pour la première fois dans la lutte contre le SARS-CoV-2, le coronavirus responsable de la Covid-19 »[22].
Peu ou pas de risques
Le danger de modification génétique semble cependant écarté.
Le généticien Axel Kahn, Président de la Ligue Nationale Contre le Cancer, connu pour ses travaux de vulgarisation scientifique, répond sans ambiguïté. A la question[23] « Que répondre à ceux qui craignent que le vaccin à ARNm ne modifie les gènes des personnes vaccinées ? », il indique :
« On injecte par ce vaccin 30 millionièmes de gramme de cet ARN, alors qu’on en a 100.000 à 200.000 fois plus dans le corps. Et une fois dans l’organisme, l’ARN, qui est une copie conforme de l’ADN, est détruit très rapidement. En aucun cas, ce vaccin ne peut modifier les gènes. Cette crainte n’a pas lieu d’exister. Les gens qui diffusent cette fausse information le font, pour certains, par méconnaissance. Mais d’autres alimentent ainsi le climat antivaccin. »
La vaccination par un ARN messager ne s’apparente donc nullement à de la thérapie génique, approche consistant à délivrer dans l’ADN un gène « sain » pour suppléer le gène « malade ».[24]
Rapport Risque / Bénéfice
Si des doutes subsistent chez certains sur le risque de mutation génétique, alors cibler en priorité une population âgée (peu susceptible d’avoir de nouveaux enfants) ou fragilisée représente la bonne approche. Si les EHPAD et les autres structures d’accueil pour personnes âgées abritent 1% de la population de notre pays, ils totalisent un tiers des décès attribués à la Covid-19. Il est ainsi logique, en l’état de nos connaissances et des remontées du terrain, de réserver les vaccins à ARN messager (Pfizer – BioNTech et Moderna) aux plus de 65 ans. Le nouvel arrivant d’AstraZeneca étant destiné aux 50 – 65 ans (en l’absence de nouvelles données).
Les formes les plus graves du virus se développant chez les personnes les plus âgées, l’efficacité du vaccin devrait contribuer à une très forte baisse du nombre de victimes. Les plus de soixante ans ont été massivement vaccinés en Israel. En France, la priorité porte sur les plus de soixante-quinze ans (faute de disposer d’un nombre suffisant de doses). Avec la progression de la vaccination au sein de la population générale[25], la mortalité devrait grandement se réduire.
En l’absence même de la disparition de la pandémie, le désengorgement des structures hospitalières devrait permettre un retour à une certaine normalité des activités économiques et sociales.
Une course de vitesse
Bien loin des prises de position controversées, ambigües, fracassantes, il s’agit bien une course de vitesse qui s’engage entre des variants très virulents du virus et les vaccins. Si nous pouvons nous réjouir d’une issue qui semble désormais plus claire, les prochains mois resteront très délicats. Les réticences à la vaccination devraient disparaitre en grande partie au cours de la campagne de vaccination. Espérons que les mutations successives du virus ne rendront pas trop rapidement inopérants les vaccins utilisés à ce jour.
Ces mutations peuvent militer en faveur d’un virus qui deviendrait saisonnier au même type que la grippe. Fort heureusement, la technique de l’ARN messager permet d’adapter rapidement la formule aux différents variants. Six semaines selon un responsable de Pfizer. Mais combien de temps pour (re)vacciner la population ? D’où l’inquiétude de certains épidémiologistes. Avec des vaccins efficaces et un fort pourcentage de la population traitée, nous devrions pouvoir éviter de revivre les deux « annus horribilis » de 2020 et 2021.
Un virus très présent
Si nous retenons les chiffres du Professeur Perronne, pour un taux de 0.05% de mortalité et avec près de 80 000 décès à date, ce serait 16 millions de personnes qui auraient été contaminées en France. Un quart de toute la population française. Cela ne semble pas réaliste. Il semble plus raisonnable de doubler les statistiques officielles. Nous devrions ainsi dépasser les 8 millions de cas cumulés au cours du mois de février, soit 15% de la population des plus de 15 ans.
Espérons que les différents variants ne se traduisent pas par une augmentation incontrôlable de la pandémie. Il en résulterait une croissance très rapide du pourcentage de la population qui contracterait le virus. Les Français ne veulent pas vivre les scènes angoissantes observées aux urgences de Lisbonne ou de Londres. Un troisième confinement est désormais souhaité par 52% des Français[26].
Un très faible pourcentage de la population a été vaccinée (deux doses). Nous sommes bien loin d’avoir atteint l’immunité collective. La progression des variants pourrait se traduire par une brutale croissance du nombre de nouveaux cas. Alors que le niveau actuel est déjà élevé. Il semble difficile de pouvoir échapper à un strict confinement généralisé. L’arbitrage est cependant délicat entre confinement préventif et curatif.
Des vaccins efficaces
Les complications liées au vaccin sont peu nombreuses. Comme trop souvent, les réseaux sociaux ont véhiculé un grand nombre de fake news. Ainsi la première patiente française serait décédée dans un EHPAD. Aux vues des premiers résultats, il semble que « les vaccins à ARN messager affichent des taux de succès de 95 %. Taux particulièrement élevés par rapport aux vaccins antigrippaux. Et les effets indésirables graves sont extrêmement rares ».[27]
Il est intéressant de suivre les données fournies par Israël. Dans ce pays, 25% de la population est déjà vaccinée. Notons que les chiffres publiés par la France sont biaisés, car sont effectivement vaccinées les personnes ayant reçu les deux doses des vaccins de type ARN messager. Sur un échantillon de plus de 700 000 vaccinés, seulement 0.04% des personnes ayant reçu deux doses du vaccin Pfeizer ont contracté le virus[28].
Inégaux devant le virus
Sur une année, le virus devrait se traduire par six fois plus de victimes qu’un fort épisode de grippe. En France, la Covid-19 a fait un peu plus d’un mort pour mille habitants (0.11%).
Le plus grand nombre de décès de la Covid-19 survient chez des personnes très âgées et déjà fragilisées (plus de 90% des victimes sont âgées de plus de 65 ans, dont près de 80% de plus de 75 ans). Une partie de ces personnes seraient décédées au cours de l’année en l’absence même du virus.
En partant des taux de mortalité sur les tranches d’âges les plus élevées[29], nous pouvons estimer que sur les 350 000 décès potentiels que pourrait faire le virus (ou 250 000 en intégrant l’immunité collective et l’absence de variants résistants aux vaccins), plus de 40 000 seraient décédées en l’absence même d’une pandémie. Certains auraient succombé à la grippe saisonnière. D’ailleurs quasi inexistante cette année. Certainement le fait les gestes barrières, du taux de vaccination et les disparitions liées au coronavirus. Sans les précautions prises pour éviter l’explosion rapide et incontrôlée du taux de contamination, les structures hospitalières auraient été submergées et incapables de traiter l’afflux de malades. Ce qui aurait contribué à faire croître le taux de mortalité.
Espérons que l’immunité conférée par le vaccin le sera sur une assez longue durée (au moins un ou deux ans). Nous devrons pouvoir disposer de tests pour mesurer les taux d’anticorps à six mois. A défaut, il nous faudra des vaccins en nombre suffisant pour traiter la population à intervalles réguliers.
La fin du cauchemar
Si une grande majorité de la population était vaccinée, le nombre de victimes se trouverait réduit à quelques milliers. Les effets du virus ne seraient donc pas plus significatifs qu’un épisode classique de grippe saisonnière. Dès lors, difficile de comprendre les hésitations face à la vaccination. Dans la balance, retour à la normalité économique et sociale face à des effets secondaires, nous le savons limité sur le court terme et, encore à confirmer, également sur la longue durée.
Fort heureusement, avec le recul des premières semaines, le nombre grandissant de doses administrées, les mutations du virus le rendant plus contagieux, la demande de vaccination se fait grandissante. De minoritaire en fin d’année 2020, c’est désormais la majorité de la population qui souhaite recevoir le vaccin (près de deux tiers). La gestion de la pénurie et des files d’attente devient la problématique des autorités sanitaires bien plus que devoir convaincre la population de se faire vacciner.
Il peut être utile de rappeler aux « antivax » que l’OMS estime que trois millions de vies (sans compter la Covid-19) sont sauvées chaque année dans le monde grâce à la vaccination. Le vaccin de la grippe saisonnière permet de faire baisser la mortalité de 75% chez les personnes âgées qui ont été vaccinées. Difficile de comprendre pourquoi le pourcentage de désir de vaccination n’approche pas les 100%.
Et demain
A quel rythme parviendrons-nous à vacciner nos compatriotes ? Combien de nouveaux confinements devrons-nous subir avant que le combat sur la pandémie ne soit gagné ? Devrons-nous apprendre à vivre avec le virus sur longue durée ? Combien de nouvelles victimes avant la fin de la pandémie ? Une fois sorti de la crise sanitaire, dans quel état se trouvera le pays ? A quel rythme parviendrons-nous à effacer les conséquences économiques et sociales du traumatisme indicible subit par notre planète en cette première partie du vingt-et-unième siècle ?
Souvent critiquées, car relevant d’une logique capitaliste au détriment d’objectifs humanitaires, c’est grâce à leurs puissances de feu (et à différentes aides gouvernementales) que les « Big Pharma » sont parvenues à développer et à mettre massivement sur le marché des doses de vaccins à même de vaincre la pandémie mondiale. Si les pratiques douteuses de quelques scientifiques peuvent faire dire que « des chercheurs qui cherchent on en trouve », la mise au point très rapide de vaccins à même de lutter efficacement contre le coronavirus met à mal la suite de la critique « des chercheurs qui trouvent, on en cherche ».
C’est bien grâce aux chercheurs qui trouvent[30]que nous pouvons à nouveau reprendre confiance dans notre avenir.
Les vaccins ARN messager sont aussi porteurs de très grands espoirs en matière de lutte contre les cancers. Espérons donc que d’un mal (la pandémie), surgira un grand bien (des avancées spectaculaires en médecine).
Marc SEVESTRE