Un reconfinement total et strict de la France est-il envisageable ? Cette hypothèse était encore fortement improbable il y a quelques semaines. L’article ci-dessous, sous forme de fiction, présente le scénario pour un reconfinement comme désormais possible. Dans ce cadre, pour les proches aidants assurer au quotidien le maintien à domicile des onze millions d’aidés que compte notre pays devient une véritable gageure. En cas de maladie ou de suspicion de positivité au Covid-19, il sera médicalement impossible à de nombreux aidants familiaux de se rendre auprès de leurs aidés. Pour quelques euros par mois, Assistance Aidant Familial permet d’anticiper ces situations d’urgence. Et ainsi être rassuré de savoir que l’aidé pourra demeurer dans son cadre familial. Une grande source d’angoisse en moins pour l’aidant, qui n’en manque pas en cette période de reprise active du virus.
Président de la République, Premier ministre, ministre de la Santé, ils le disaient haut et fort, à tout propos. Il n’y aura pas un nouveau confinement généralisé. Cette trop grande certitude, affirmée trop souvent, trop à l’unisson était suspecte. Il fallait bien préparer l’opinion publique. « Nous ne le voulions pas, nous avons tout fait pour l’éviter. A ce stade et compte tenu de la virulence de la crise sanitaire, nous n’avons pas eu d’autre choix. La progression du virus est telle au plan mondial, mais particulièrement en Europe et plus encore en France, qu’il n’y avait pas d’autre option ».
Le Président nous indique y avoir résisté jusqu’au dernier moment. Lors de son allocution solennelle, c’est d’une voix grave que le Président explique qu’il lui a bien fallu suivre les exhortations du Conseil Scientifique. Il lui a fallu se résoudre à «un confinement strict qui prendra effet sous quarante-huit heures, et ce pour une période renouvelable de trois semaines ».
Un confinement très strict
Les conditions de ce confinement sont nettement plus contraignantes que celles du mois de mars dernier. Comme l’a rappelé le Président, il s’agit « d’un ensemble de mesures exceptionnelles, dérogatoires et provisoires ». Et le Président de poursuivre « la constitution nous donne, en l’encadrant, le cadre législatif nécessaire afin de nous permettre de prendre les mesures qu’impose la calamité publique et ainsi vaincre la deuxième vague pandémique ».
La liste des restrictions est très longue. Seules les entreprises nécessaires aux activités de santé, aux opérations de maintien de l’ordre, à la subsistance de la population sont autorisées. Tout le reste sera totalement mis à l’arrêt.
- Plus de transports en commun – seules quelques rares liaisons pour les employés des secteurs devant poursuivre leurs activités.
- Fermeture des lieux d’enseignements et de cultes.
- Rassemblements publics ou privés de quelque nature que ce soit ne seront pas autorisés.
- Télétravail rendu obligatoire. Et quand cela ne sera pas possible, il y aura une mise au chômage temporaire pour l’ensemble des personnels.
- Commerces d’alimentation ouverts de 10h à 18h et ils ne pourront accueillir qu’une personne par foyer.
- Sorties journalières limitées à 30 minutes dans un rayon de 500 mètres du lieu de confinement. Dans le respect absolu des gestes barrières. Toute activité physique sur la voie publique sera interdite. Un seul adulte pourra accompagner à l’extérieur les enfants de moins de 14 ans.
- Frontières fermées. Cette disposition s’applique également aux travailleurs frontaliers, à l’exception du personnel de santé, en cas d’emploi transfrontalier.
Etat d’Urgence
Le Président, anticipant le risque de désobéissance civique, a indiqué que le pays était mis sous le régime de l’urgence sanitaire absolue. Avec l’instauration d’un couvre-feu de 20 heures à 6 heures. Il a précisé que les forces de maintien de l’ordre recevront des consignes strictes pour faire respecter les mesures de ce plan de confinement. Le Président a conclu en rappelant que « lorsque l’intérêt général est gravement menacé, il faut avoir le courage de restreindre les libertés individuelles. Ce sont des moments douloureux dans l’histoire de notre pays ».
Avec le déploiement massif des forces de maintien de l’ordre, l’état d’urgence pour ce deuxième confinement est proche de l’état de siège. Dans son article 36, notre Constitution prévoit le cadre législatif de l’état de siège. Du jamais vu sous la Cinquième République. Au-delà de douze jours, il revient au Parlement d’approuver un prolongement. A ce stade, l’état d’urgence répond bien à une situation spéciale permettant aux autorités administratives (ministre de l’Intérieur et préfets) de prendre les mesures qui restreignent les libertés. Ceci s’applique aux restrictions à la libre circulation.
Revenons sur l’annonce du Président faite à l’issue du Conseil des Ministres. Notre Constitution exige qu’un tel état se fasse par un décret pris en Conseil des Ministres. Comme son nom l’indique, l’état d’urgence doit pouvoir être pris dans l’urgence. C’est la raison pour laquelle le corps médical dans sa grande majorité dénonçait le retard que la France prenait sur ses partenaires étrangers pour annoncer le retour au confinement. L’annonce de mettre la totalité du territoire de la République en coma économique à été faite une semaine après l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne.
Une crise sanitaire sans précédent
La progression exponentielle de la pandémie depuis la mi-août est hors de contrôle et laisse craindre le pire. Avec 500 000 nouveaux cas enregistrés le mois dernier, les services hospitaliers ne peuvent plus absorber les 15 000 nouvelles hospitalisations hebdomadaires. Les services de réanimation ne peuvent plus faire face aux 500 admissions quotidiennes. Certes, les protocoles sanitaires ont fait de gros progrès depuis le mois de mars dernier. Ceci se traduit par une baisse du taux de mortalité. Cependant, notre pays totalise plus de 5 000 décès par semaine directement liés à la Covid-19. Ces chiffres restent inférieurs au pic de près de 1 500 morts que nous enregistrions quotidiennement au mois de mars dernier. Le système de santé est au bord de l’explosion. Les malades de la Covid engendrent une paralysie du secteur hospitalier.
Avec un taux de mortalité de 3‰, et en supposant que la moitié de la population soit contaminée, le virus pourrait faire près de 100 000 victimes. Ce chiffre effrayant est à rapporter à une moyenne annuelle de plus de 600 000 décès en France. Une grande majorité des victimes du virus sont des personnes âgées ou fragilisées.
C’est cette analyse qui a conduit quelques pays à ne pas envisager le confinement. Ils ont choisi dès le départ de vivre avec le virus. Pour la plupart des dirigeants, il est totalement inenvisageable d’affronter le risque d’un tri massif aux urgences. Ils excluent de laisser une partie de la population sans prise en charge hospitalière. Le corps médical a également fortement alerté les pouvoirs publics sur la dégradation de l’état sanitaire de la population liée à la déprogrammation de nombreux soins critiques. C’est donc pour faire redescendre l’ensemble des courbes épidémiques et à l’instar de ses voisins que la France va devoir renouer avec le confinement généralisé.
Un cruel dilemme
Il était admis que seule une reprise pandémique hors de contrôle pourrait conduire à une telle décision de confinement généralisé. Nous avons pu mesurer le coût économique et social lié à la mise à l’arrêt du pays dans la première partie de l’année. Il était entendu que nous ne retrouverions le niveau de richesse du pays à la fin de 2019 que dans le courant de l’année 2022. Les dommages collatéraux liés au premier confinement sont très importants. Nous songeons à la situation économique précaire de nombre de nos concitoyens, à l’isolement de nos ainés, à l’abandon des soins critiques. Le prix payé a été très lourd.
Nous acceptions l’évidence de voir la logique économique l’emporter sur la logique sanitaire. Nous nous étions résolus à voir la situation épidémique du pays se dégrader, mais seulement jusqu’à un certain point. La pression insupportable sur le système de santé des différents pays européens sans retour à un confinement n’est plus tenable. Il n’est pas possible de tout justifier au nom de la logique économique.
L’urgence sanitaire est aujourd’hui telle, que nos dirigeants doivent accepter de déclencher une crise économique d’une ampleur sans précédent afin de reprendre le contrôle de la situation épidémique. C’est un bien cruel dilemme que de devoir choisir entre préserver la vie humaine ou la vie économique.
Catastrophe économique
Contrairement à son annonce du 12 mars dernier, le Président n’a pas repris sa formule du « quoi qu’il en coûte ». Le pouvait-il vraiment ? Les conséquences économiques de ce deuxième confinement risquent d’être catastrophiques pour le pays. Les 10% de baisse du produit intérieur brut (PIB) attendu à la suite de la première vague pandémique seront totalement enfoncés. Le taux de chômage devait atteindre 12% à la suite de la première vague pandémique. Il va connaitre une hausse spectaculaire.
Les six à huit semaines que devrait durer ce nouveau confinement vont se montrer catastrophiques pour l’économie. Ce deuxième confinement, s’ajoutant au très sévère impact du premier confinement, sera désastreux pour l’activité du pays. C’est donc un recul total de l’ordre de 20% de la production que nous devons anticiper pour notre pays sur les douze mois compris entre mars 2020 et février 2021. Cette chute spectaculaire devrait s’accompagner sur cette même période de deux millions de chômeurs nouveaux. Le taux de chômage total devrait bondir de 50% sur une année pour atteindre 15% de la population active.
Une dette abyssale
L’Union Européenne et le gouvernement n’ont cependant pas hésité à faire des injections massives de liquidité dans l’économie de notre pays. Cela est aussi le cas pour l’ensemble des autres membres. Les digues de l’orthodoxie budgétaire ont toutes été emportées. Certains ministères semblent profiter d’un effet d’aubaine pour rattraper un retard budgétaire accumulé au fil des ans. C’est au passage une réponse à la crise sociale, soulignée par le mouvement des gilets jaunes tout au long de l’année 2019.
Qui règlera les plus de cinq cents milliards d’euros que coûteront cette crise sanitaire à notre pays ? Il faudra isoler la dette issue de la pandémie du déficit courant de l’Etat qui à fin 2019, avant la crise, se rapprochait des 100% du PIB. Il n’en demeure pas moins que nos Etats devront rapidement revenir à l’orthodoxie financière. L’Etat devra honorer sa dette, il ne peut pas faire banqueroute. Nous n’en sommes plus au temps des assignats de l’époque révolutionnaire. Souvenons-nous qu’ils avaient été créés pour faire face à la crise financière, héritée elle de l’Ancien Régime.
La Bourse de Paris, comme cela a été le cas au mois de mars dernier, va réagir fortement à cette nouvelle annonce, poursuivant la baisse de ces derniers jours liée au passage au confinement des principales économies. Le rebond boursier devrait être plus rapide que la reprise économique. Courant 2021, la plus grande partie du recul devra avoir été refait. Certains indices pourraient même à nouveau battre leurs plus hauts historiques.
Et demain ?
Avec cette deuxième vague, le sentiment général est que nous avons vraiment touché le fond. Difficile de le savoir. Même si on peut espérer que courant 2021 un vaccin ou une thérapie permettront de limiter grandement l’impact sanitaire de ce virus. Ces progrès médicaux permettront-ils d’éviter une troisième vague pandémique qui pourrait se manifester dès le début de l’année prochaine ? Les conditions favorables à une reprise de la pandémie seront nombreuses à partir du mois de janvier. Echanges familiaux nombreux pendant les fêtes de fin d’année, déplacement massif de la population, rassemblement dans des lieux clos, confusion des symptômes avec la grippe saisonnière. Le calendrier est très, trop, serré.
S’il nous faut apprendre à vivre avec le virus, il nous faut aussi en accepter les conséquences sanitaires. Conduire le pays à sa ruine économique sans endiguer la crise sanitaire, c’est exposer nos concitoyens à une double peine. Ils ne sauraient l’accepter durablement. Entre deux maux, il nous faudra choisir le moindre. Alors parions cette fois-ci que face à une troisième vague ce serait l’économie qui aurait le dernier mot. Cela quoiqu’il puisse en coûter d’un point de vue sanitaire,
Marc SEVESTRE